SOTEU : Combattre les incendies au lieu de les prévenir
SOTEU : Combattre les incendies au lieu de les prévenir

> Les 10 Canadairs et 3 hélicoptères promis par l'UE représentent ils vraiment les ambitions de l'Europe pour atténuer les effets du changement climatique ?
> Pourquoi le président américain prononce-t-il son discours à heure de grande écoute sur le service publique alors que le président de la Commission le fait à 9 heures du matin sur la chaîne parlementaire ?
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prononcé son discours annuel sur l'état de l'Union, dévoilant ses priorités pour l'année à venir. Nous espérons que les engagements réels pris, tels que l'achat de 10 avions et 3 hélicoptères pour lutter contre le changement climatique, ne sont pas représentatifs des ambitions de la Commission pour l’intégration européenne. L'Europe a besoin d'une Convention pour adapter notre Union à la réalité du terrain. Nous avons besoin de traités qui nous permettent de prendre des décisions, de demander des comptes aux États membres et de faire avancer le projet fédéral européen.
Arrêter la machine de guerre
Nous applaudissons l'engagement ferme de la Commission en ce qui concerne le maintien des sanctions. Les mois à venir seront un test de résistance, non seulement sur la ligne de front, mais aussi pour nos sociétés et nos démocraties. Nous aurons besoin de solidarité et de détermination pour aller de l'avant et cela doit être coordonné au niveau européen. Accélérer l'accès de l'Ukraine à notre marché unique est un objectif louable, mais il nous manque une ambition politique pour l'Europe, une initiative de paix qui garantisse l'intégrité territoriale et l'identité de l'Ukraine. La France et l'Allemagne se concertent avec Poutine tandis que la Hongrie demande du gaz russe. Nous aurions besoin que l'Europe prenne la parole de manière unie et propose une voie à suivre qui n'aboutisse pas à une escalade de la guerre en un conflit continental.
Pourquoi Scholz, Macron et Orban négocient ils avec Poutine alors que nous pourrions lancer une vraie négociation européenne ?
Sven Franck - Co-président de Volt France
La lumière est-elle éteinte en Europe ?
Nos marchés de l'énergie sont en pleine tourmente et la Commission a annoncé, à juste titre, une réforme complète tout en laissant planer l'idée de réductions coordonnées de la consommation, de plafonnement des prix et de taxation des bénéfices exceptionnels. Cependant, sans pouvoir demander des comptes aux États membres, l'Union européenne est un tigre sans dents. Alors qu'il a été possible de connecter le réseau électrique ukrainien au réseau européen en deux semaines, l'accès de l'Espagne et du Portugal à ce même réseau, qui pourrait fournir les énergies renouvelables dont nous avons tant besoin cet hiver, est retardé par la France pour le gaz ainsi que pour les renouvelables et n'est prévu que pour 2027. La Commission a proposé son instrument d'urgence pour le marché unique (IEMU), mais elle n'a ni la légitimité démocratique ni les leviers pour obliger les États membres à se conformer aux mesures qu'elle souhaite introduire.
Le changement climatique : une question de pure forme
Nous nous interrogeons sur l'ambition de la Commission européenne en matière de changement climatique. Il ne s'agit pas seulement de combattre les incendies avec 10 Canadairs et 3 hélicoptères supplémentaires, mais de prévenir les incendies en amont. Au lieu de prévoir plus d'équipements pour la prochaine catastrophe, nous avons besoin d'une gestion durable des forêts, de la protection des lits de rivière, de la préservation des sols fertiles et de plans d'urgence pour l'approvisionnement en eau douce. Il est regrettable que la Commission se contente des habituelles conférences de pure forme à Montréal ou à Sharm-el-Sheik, au lieu de tenir les États membres responsables des objectifs convenus. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, peut impunément demander à baisser les standards en matière de protection de la nature et de mise en œuvre de la stratégie Zéro-Artificialisation-Net déclarant un moratoire de fait sur les lois climatiques. Tant que l'Europe ne sera pas capable d'agir sur l'inaction des États membres, nous continuerons sur une trajectoire de réchauffement climatique bien au-delà de 1,5⁰.
Combler les trous économiques
Les crises financières, le Covid et maintenant les effets de la guerre en Ukraine sur les marchés de l'énergie et l'inflation ont laissé des cicatrices dans nos sociétés et nos économies. Les années à venir seront marquées par la raréfaction des ressources, qu'il s'agisse de l'énergie, des matières premières ou des travailleurs. L'Europe n'a pas atteint l'objectif de 15 % de qualification supérieure qu'elle s'était fixé pour 2020 et les projections font état de 43 millions de postes vacants d'ici 2050, tandis que la migration reste un sujet exploité par les extrémistes au lieu d'être saluée par la Commission comme un filet de sécurité pour notre économie. L'accent mis par la Commission sur les PME est essentiel, mais les politiques agricole et industrielle de l'UE parlent souvent un langage différent. La politique agricole commune continue de récompenser la quantité au détriment de la qualité et de la proximité. Il semble également qu'il y ait peu de motivation pour empêcher les monopoles dans le domaine numérique, par exemple en abordant la question des frais liés au trafic sortant (« egress fees ») dans la loi européenne sur les données. Nous avons une loi européenne pour les PME, mais pourquoi n'est-elle pas mis en œuvre dans tous les États membres ? Soutenir les PME ne consiste pas seulement à simplifier la fiscalité et les conditions de paiement, mais aussi à créer un environnement concurrentiel équitable qui permette à nos entreprises de prospérer. Mais la Commission n'est toujours pas à la hauteur.
La démocratie doit se renouveler
Nous ne pouvons qu’approuver les remarques de la présidente de la Commission concernant les défis que représente le maintien des valeurs démocratiques et la nécessité d'étendre la portée de la politique étrangère de l'Union européenne ainsi que ses capacités décisionnelles. Mais comme pour le changement climatique, les engagements doivent être suivis d'actions. Le vide laissé par notre inaction a été comblé par d'autres et l'importance que nous accordons à l'économie, combinée à notre manque de vision politique, signifie que l'Europe devra rattraper son retard. Les traités de Maastricht sont en vigueur depuis 1993. Beaucoup de choses se sont passées au cours des 30 dernières années. Une démocratie vivante a besoin de traités vivants qui peuvent être adaptés aux nouvelles réalités. Ce n'est pas seulement une question de solidarité intergénérationnelle, comme l'a fait remarquer madame von der Leyen, mais une question de démocratie. La France nous donne un avertissement avec notre Grand Débat, la Convention Citoyenne pour le climat et maintenant le Conseil de Refondation qui donne une voix aux citoyens pour ensuite les ignorer. La déception et l'aliénation qui en résultent détruisent les fondements de notre démocratie, un risque auquel nous sommes également confrontés avec la Conférence sur l’Avenir de l’Europe. Il est donc impératif d'inclure la voix des citoyennes et citoyens dans la Convention européenne pour faire avancer le projet et le faire évoluer d'une union économique vers une Union fédérale et politique.
Quid de la vision et de l’ identité européennes ?
Le président des États-Unis prononce ses discours sur l'état de l'Union à heure de grande écoute. A contrario, le discours de la présidente de la Commission est un point de l'ordre du jour à 9h du matin, équivalent à un rapport d'actionnaire, alors qu'il devrait être un message essentiel à l’ensemble des citoyennes et citoyens. L'Europe est un projet de chiffres : l'Union européenne est née comme une union économique pour préserver la paix sur le continent. Si nous voulons faire front contre les populistes en Europe et au-delà, l'Europe doit aussi être une affaire d'émotions. Notre discours sur l'état de l'Union ne peut se contenter de fournir des perspectives économiques à court terme, mais doit inclure une vision politique à long terme. Il doit s'adresser à tous les citoyennes et citoyens et les toucher. Et il doit souligner l'importance du projet européen si nous voulons un jour jeter les bases de la croissance de notre identité européenne à partir de la diversité de nombreuses cultures.
Pour que l'Europe réussisse, il faut plus que des chiffres. Il faut aussi des émotions.
Espérons que notre présidente de la Commission comprendra l'urgence d'une convention sur les réformes des traités et la nécessité de toucher tous les citoyennes et citoyens lors du prochain discours sur l'état de l'Union.
Si vous pensez également que l'Europe peut être beaucoup plus ambitieuse et qu'elle doit faire beaucoup plus…
Sources
- (en) Commission Européenne - Transcript SOTEU 2022 (lien)
- (en) Euractiv - La Commission européenne veut se doter de nouveaux pouvoirs pour sécuriser les chaînes d'approvisionnement, septembre 2022 (lien)
- (en) Reuters - Le Premier ministre portugais demande à la France de soutenir le gazoduc MidCat à travers les Pyrénées, Sergio Goncalves, Septembre 2022 (lien)
- (en) Euronews - La France est-elle un obstacle à l'objectif de la péninsule ibérique de devenir un fournisseur d'énergie ? par Elza Goncalves, juin 2022 (lien)
- (en) UNEP - COP15 - Conférence sur la biodiversité 2022, Montréal (lien)
- (en) UNFCC - COP27 - Conférence sur le changement climatique 2022, Sharm-el-Sheik (lien)
- Les Échos - Artificialisation des sols : le gouvernement prêt à revoir sa copie, Septembre 2022 (lien)
- (en) JobMarketMonitor, Upskilling et Reskilling en Europe - Un potentiel de 128 millions d'adultes (46,1% de la population adulte), janvier 2021 (lien)
- (en) Cgdef, L'Afrique peut-elle aider l'Europe à éviter sa crise du vieillissement qui s'annonce ? par George Kenney et al, juin 2021 (lien)
- (en) Autoreit Consument & Markt - Étude Markt sur les services en nuage, Septembre 2022 (lien)
À propos de Volt
En tant que premier véritable parti paneuropéen, Volt s'engage à réformer l'Union européenne et à répondre aux défis de nos jours de manière coordonnée au niveau européen. La vision de Volt : une Europe progressiste avec une société inclusive, une économie qui protège le climat, un système éducatif adaptable et une numérisation autodéterminée.
Volt est convaincu que seule une participation démocratique de tous les citoyens et toutes les citoyennes européens nous préparera à un avenir durable, économiquement fort et socialement juste. Voilà pourquoi Volt agit à tous les niveaux - du local à l'européen, en tant que mouvement et parti. Le mouvement donne à toutes et à tous une voix et la possibilité de s'engager politiquement à partir de la société. Aujourd'hui, Volt est présent dans toute l'Europe : des milliers de personnes de tous âges et de toutes professions s'engagent dans 30 pays européens avec des équipes dans des centaines de villes.
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