« Choc des savoirs » : une réforme qui ne traite pas les enjeux de fond

Retrouvez la réaction de Volt France face au projet de réforme dite du "choc des savoirs".

23 mars 2024

Le 5 décembre 2023, alors ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal présentait la réforme qu’il souhaite mettre en place pour améliorer le niveau général des élèves au collège. Si la volonté d’agir est louable, et si certaines mesures ne sont pas dénuées d’intérêt, les propositions dévoilées ne traitent pas le fond du problème. En plus d’engendrer des doutes sur leur capacité à améliorer les résultats, elles n’abordent absolument pas la question du déterminisme social, bien que ces deux enjeux soient liés. Elles n’initient aucune démarche d’évaluation des dispositifs et tiennent surtout de l’effet d’annonce, cherchant à répondre aux représentations populaires d’une école en mal d’autorité qui devrait impérativement revenir aux fondamentaux, lire et compter, jugés mal ou insuffisamment enseignés.

Les groupes de niveau ne doivent représenter qu'une partie des heures de cours

Le point emblématique de cette réforme est la mise en place de groupes de niveaux en français et en mathématiques, avec des effectifs réduits sur l’ensemble des heures d’enseignement de 6ème et de 5ème, bientôt de 4ème et de 3ème. Volt se montre favorable à ce dispositif, à la condition que ces heures en groupes de niveau ne représentent qu’une fraction des heures d’enseignement dans ces matières afin de garantir l’unité du programme. En effet, la recherche scientifique indique qu’un déploiement limité des groupes de niveaux peut avoir des effets positifs et cela permettrait aux enseignants de disposer d’une flexibilité pour adapter leur enseignement. Cet enjeu d’adaptation est par ailleurs fondamental pour répondre au défi de l’éducation inclusive, absent de cette annonce, et qui nécessite pourtant des changements et des moyens urgents.

Une attention particulière devra par ailleurs être portée à l'évaluation des élèves tout au long de l’année pour favoriser davantage la mesure des progrès individuels et réduire les biais propres aux formats traditionnels d’évaluation collective, connus des pédagogues, comme « la constante macabre » ou « l’effet pygmalion ».

Il faut décentraliser les questions scolaires

En ce qui concerne la labellisation des manuels scolaires, Volt reconnaît que certaines pratiques pédagogiques dûment évaluées peuvent être plus adaptées que d’autres, justifiant ainsi qu’un certain contrôle des méthodes retenues soit réalisé. Cependant le comité national, tel qu’il est présenté, risque de renforcer la forte centralisation de l’éducation, nous privant des apports d’une adaptation aux contextes locaux. De l’Alsace à la Guadeloupe, notre pédagogie gagnerait à tisser des liens avec les territoires qui forment le quotidien des élèves. Volt propose donc, tout en conservant un cadre et des objectifs nationaux, et pourquoi pas demain européens, d’effectuer une décentralisation sur les questions scolaires, afin de rapprocher les décisions des réalités régionales.

Que ce soit sur l’accompagnement des redoublants ou la création d’une prépa-lycée, aucune annonce fléchée de moyens supplémentaires n’accompagne ces mesures. Volt regrette que des annonces hors-sol risquent d'amener des enseignants déjà surchargés à devoir gérer deux ou trois parcours personnalisés supplémentaires, annihilant tout potentiel effet positif de ces accompagnements faute de temps suffisant à consacrer à ces élèves. Il ne peut y avoir de réforme sans considération du temps de travail dédié.

Il y a 26 élèves par classe en France contre 21 en moyenne dans l'UE

Contrairement à ce que laisse entendre le ministère, les règles pédagogiques ne sont pas des baguettes magiques. Bâtir un système scolaire efficace, juste et préparant nos enfants à être citoyens nécessite avant tout une hausse considérable des effectifs. Les pays où le niveau est élevé ne se distinguent pas forcément par l’organisation de leurs cours, mais le plus souvent grâce à des effectifs par classe plus réduits : en moyenne 26 élèves par classe en France au collège, 21 dans l’Union européenne, 19 en Lettonie. Augmenter le nombre d’enseignants et de remplaçants, afin de retrouver des classes de taille raisonnable et de permettre davantage d’aménagements pédagogiques, doit donc être l’enjeu principal de notre système éducatif.

Or on sait depuis longtemps que ce manque cruel d’enseignants découle de la trop faible attractivité du métier. Même si le salaire n’est pas le seul facteur, il reste un enjeu central, et Volt salue l’effort déjà réalisé par le gouvernement sur la rémunération en entrée de carrière qui était bien trop basse. Nous souhaitons poursuivre dans cette logique afin d’attirer plus facilement de nouveaux enseignants sans induire de charge trop lourde sur le budget du ministère, quitte à diminuer la progressivité des salaires.

De plus, les réformes accumulées ces dernières années ont été présentées au dernier moment, imposant régulièrement à l’administration de l’éducation nationale de travailler sans décrets ni circulaires, sur le fondement de simples déclarations publiques ou de dossiers de presse. Cela met sous une pression permanente les équipes pédagogiques dont il est attendu chaque fois une adaptation rapide et une adhésion sans réserve, alors même que la généralisation des expérimentations ne fait pas même l’objet d’évaluations préalables. Plutôt que de multiplier les initiatives éphémères et mal préparées, Volt appelle à la mise en place d’un travail de fond sur plusieurs années afin de construire un projet stable, applicable sereinement, évaluable scientifiquement et s’inscrivant dans une perspective d’harmonisation européenne, en s’appuyant sur les meilleures pratiques de nos voisins.