De Sven Franck, sur la Démocratie en Europe.

Je n'aurai probablement pas le privilège de vous parler de l'Europe à la Sorbonne, mais j'aimerais vous parler de l'Europe, non pas avec une perspective française, mais avec une perspective européenne.

6 mai 2024

De Sven Franck, candidat Volt de la coalition ETE depuis Berlin et depuis Paris, sur la Démocratie en Europe. 

En ce moment, tout le monde parle de l'Europe parce qu’il y a des élections européennes.

 Pour moi il y a deux erreurs principales : 

L'une des erreurs est qu'on parle juste de l'Europe pendant 5 semaines et pas pendant les 5 ans de la mandature du Parlement Européen. 

Ces 5 semaines suffisent peut-être pour mobiliser l’électorat pro-européen, mais elles ne suffisent pas à mobiliser toute la citoyenneté pour s'intéresser à ces élections et aller voter pour l'Europe au lieu de voter pour n'importe quoi. 

La deuxième erreur est qu’on parle dans les endroits privilégiés, à un électorat privilégié qui a déjà une conscience de l'Europe et qui va voter en tout cas, mais on oublie tous les citoyens du quotidien dans les territoires où il est beaucoup plus important de parler du projet européen et de l'importance de voter. 

Donc pour moi, même si ces discours à la Sorbonne sont intéressants en termes d'Europe, ils ont peu de valeur pour le projet européen et également pour notre démocratie parce que ce n'est pas une question de savoir  s'il y a 15% des Français qui votent pour Raphaël Glucksmann ou 15% des Français qui votent pour  Valérie Hayer, la question est de savoir pourquoi il y en a 30% qui votent pour Jordan Bardella et pourquoi il y a si peu d'efforts pour convaincre cet électorat de l'importance du projet européen et de l'importance de voter pour le projet européen.

Si on regarde les sondages dans n'importe quel état membre, les anti-européens sont en tête. Et pour cause. Parce que l'Europe aujourd'hui fonctionne pour une partie de la population qui comprend l'importance du projet européen, qui est bénéficiaire des opportunités du projet européen et qui vote aussi pour la cause européenne, mais une grande partie de la population est mise à l'écart, on ne lui parle pas de l'importance de l'Europe. Les gens  ne comprennent pas le projet européen et ils sont aussi plutôt soumis aux conséquences de l'Europe ou du modèle de l'Europe dans laquelle nous vivons aujourd'hui. 

Le projet européen c'est un chantier. 

Imaginez deux options , soit  vous avez une Europe de 27 pays qui ne parle pas d’une seule voix mais qui parle en canon, soit vous avez une Europe de 27 pays, de 27 états membres qui tirent chacun le projet européen dans leur intérêt respectif. 

C'est plutôt une cacophonie.

Aujourd'hui, il nous faut la première version de cette Europe parce que dans le parquet géopolitique avec les États-Unis, avec la Chine, avec la Russie, ce n'est pas la France qui compte seule, ce n’est pas l'Allemagne qui compte seule, il faut avoir l'Europe, parce que, regardez les anglais, après le Brexit, ils sont où aujourd'hui dans les grandes questions géopolitiques, ils sont où avec leur économie et avec leurs intérêts dans le monde? 

Donc il nous faut une Europe qui parle en canon, même avec une voix si possible mais malheureusement nous vivons dans l'autre itération de l'Europe. 

C'est une Europe dans laquelle les États membres, les gouvernements et les intérêts nationaux priment sur le projet européen et c'est nous les citoyens européens qui sommes soumis aux conséquences. 

C'est par exemple l'absence d'une politique migratoire à l'échelle européenne, c'est par exemple l'absence d’une vraie volonté de créer une défense européenne, c'est l'absence de droits sociaux partout en Europe qui permettent de vivre dans la dignité et c'est aussi les questions plus concrètes comme la hausse des prix de l'électricité dans chaque pays tandis qu’il nous faut un marché européen de l'électricité beaucoup plus intégré et beaucoup plus solidaire pour avancer. 

Mais si nous vivons dans une Europe, dans ce modèle où les 27 cherchent plutôt leur intérêt individuel, on ne va pas arriver à l’ Europe qu'il nous faut aujourd'hui. 

Il nous faut aujourd'hui un débat sur l'avenir de l'Europe parce que les citoyens le demandent et parce qu’ils votent contre cette Europe d’aujourd'hui. 

Quand j'ai fait campagne ces dernières semaines, j'ai suivi les étapes de la flamme olympique qui va traverser la France bientôt, mais avec un drapeau européen, parce que mon objectif était de parler de l'Europe aux citoyens de la rue, et de leur demander ce qu’ils changeraient dans l’Europe s'ils le pouvaient. 

J’ai été surpris de faire pratiquement tous les entretiens avec des citoyens qui soutiennent le projet européen, mais qui exigent aussi des réformes et des modifications pour le rendre plus juste, plus écologique, j'ai reçu beaucoup de commentaires. 

C'est triste que l'Europe ou les institutions européennes aient fait le même exercice à une échelle beaucoup plus grande, c'était la Conférence sur l'avenir de l'Europe, durant laquelle les citoyens ont eu la chance de s'exprimer, de donner leurs revendications, et ils l'ont fait. 

Malheureusement, les gouvernements et les institutions européennes n'ont pas vraiment pris en compte ces revendications, la principale était la réforme des traités, la fin de l'unanimité et de faire avancer le projet européen. 

Ce projet suit malheureusement deux autres exercices de cette démocratie participative organisés en France. Le grand débat après la crise des gilets jaunes et également la Conférence des citoyens pour le climat, où, dans les deux cas, il était demandé aux citoyens de s'exprimer, de donner leur avis, de formuler des revendications et après, notre gouvernement en France, tout comme les institutions européennes, ne les ont ni écoutés, ni actés. C'est dommage pour la démocratie, car c'est aussi un écart artificiel entre les citoyens et la politique. De plus, c'est peu motivant si l'on demande l'avis des citoyens au quotidien et que l'on ne regarde pas ce qu'ils disent. Ainsi, on ne va pas avancer avec la démocratie participative et avec le projet européen. 

Nous abordons  également ces élections européennes divisés. 

Ce ne sera pas une élection européenne, mais 27 élections nationales, chacune avec ses propres règles, par exemple, en Allemagne, vous pouvez voter à 16 ans mais en Grèce pour candidater, il faut 23 ans. Au Danemark, il faut 78 000 signatures, seulement pour figurer sur les bulletins de vote. Cela représente 1,5% de la population qui doit signer pour pouvoir se présenter, tandis qu' en Allemagne, il faut 4000 signatures et avec 1,5% des votes, vous aurez déjà deux députés.

En France ce n'est pas une question de signatures, c'est une question d'argent parce qu'il y a 47 millions d’électeurs donc chaque parti doit acheter 47 millions de professions de foi et 47 millions de bulletins de vote. 

Donc si vous n'avez pas 1 million d'euros, et si vous n'êtes pas prêts à le perdre si vous faites moins de 3%, c'est très difficile de participer aux élections européennes en France. 

Les autres pays d'Europe votent au moyen d’un bulletin unique payé par l’état.

Nous avons donc effectivement des règles totalement différentes pour ces élections qui montrent notre division et qui montrent aussi l'absence de volonté de les changer, bien que cela  ait été  voté au Parlement, en partie grâce à notre député Volt qui a milité pour l'harmonisation des élections européennes. 

C'est adopté par le Parlement depuis  plus d’un an, il était prévu d'avoir des règles communes, il était même prévu d'avoir des listes transnationales, une liste avec 27 députés de 27 pays différents pour continuer le projet de rapprochement et nous connecter, mais malheureusement même si le Parlement a voté pour, nous sommes aujourd'hui, dans ces élections, dans les mêmes conditions qu’en 2019 parce que il y a pas de volonté des gouvernements nationaux de changer la façon d'élire les députés et d’aller vers un projet plus européen. 

Effectivement, c'est toujours le cas dans cet exemple où les États membres, les gouvernements mettent leurs agendas nationaux avant le projet européen.

Donc pour résumer la première partie de mon discours, sans des programmes et des partis politiques paneuropéens, sans être vraiment à l'écoute des citoyens, pas seulement dans les métropoles, mais également dans les territoires, sans créer une Europe qui prenne en compte ces territoires comme elle prend en compte aujourd'hui les métropoles, on ne va pas aller très loin, ni à Berlin, ni à Paris.